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que j’apprenne à vivre seul, puisqu’il n’y a plus de bonheur pour moi en ce monde.

Jacqueline fondit en larmes :

— Étienne, c’est vous qui me désespérez. Pourquoi dites-vous que vous serez toujours seul, toujours malheureux, que je ne puis rien pour vous ? Je ne puis entendre cela. C’est au-dessus de mes forces…

— Pardonnez-moi, dit-il éperdu de la voir pleurer… Je récompense bien mal votre sollicitude. Votre amitié…

— Ah ! gémit-elle en cachant sa tête dans ses mains… mon amitié… Est-ce que je pleurerais ainsi si c’était de l’amitié… si…

— Jacqueline !

Il écartait les mains mouillées et tremblantes.

— Que voulez-vous de plus ? dit-elle. N’aviez-vous rien compris, rien deviné ? Nous devions en arriver là, un jour ou l’autre…

Et, se laissant attirer sur la poitrine de Chartrain :

— Que puis-je pour vous ? Est-ce que je pouvais vous connaître sans vous aimer et vous aimer sans vous le dire ? Je ne suis pas héroïque comme vous. J’ai besoin de vous consoler, de vous savoir heureux. Puisque nous ne faisons rien de mal, c’est notre droit. N’est-ce pas, vous