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qu’une femme comme moi vous eût fait peur… Si vous m’aviez connue quand j’étais libre, vous…

— Chut ! fit-il. Je vous en prie, ne parlons pas de cela. J’aurais effrayé votre jeunesse… Vous auriez ri de mon amour.

— Qu’en savez-vous ?

Elle le vit pâlir.

— À quoi bon parler de ce qui pouvait être et n’a pas été ? Qui sait ce que la fatalité eût fait de nous, si je vous avais rencontrée quelques années plus tôt ?

— Je ne vous aurais pas déplu ? J’ai bien des défauts. Je suis si étourdie, si entêtée, si paresseuse.

— Je vous aurais tant aimée, dit-il, que vous seriez devenue parfaite.

— Cher ami !

Elle lui tendit ses deux mains. Chartrain, bouleversé, prit ces petites mains dans les siennes.

— Oui, continua Jacqueline, sans paraître comprendre la gravité des mots qu’elle prononçait, vous auriez eu de l’influence sur moi, vous.

— Vous m’auriez aimé ? dit-il tremblant.

— Certes, fit-elle, en le regardant avec une hardiesse candide.

Le soleil baissait. Le demi-jour de cinq heures le feu mourant, l’air attiédi saturé de l’odeur des