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ne dirait à un autre : « Mon mari. » La force du mariage, si puissante qu’elle survit à l’amour et le remplace, s’imposait enfin à son cœur… Et, dans son désespoir, elle pensa aux généreuses femmes qui subissent cette force aveuglément, défendues contre les tentations par le culte du premier amour. Celles-là, au lit de mort de l’époux, peuvent lever un front pur sous le crêpe des veuves et dire à l’élu de leur jeunesse : « Tu as dormi sur un cœur fidèle et sur un sein que toi seul as baisé. » Mais les autres, les malheureuses qui gardent dans leur âme complexe une tendresse obstinée pour celui qu’elles trahissent, toute la rancœur de leur faute leur monte aux lèvres et l’agonie de leur repentir pleure des larmes sanglantes sur l’agonie du moribond. Rien ne s’oublie, rien ne s’abolit. Nous payons la rançon de toutes nos faiblesses.


Jusqu’au matin, le docteur lutta sans relâche, par tous les moyens alors connus, souhaitant éviter une intervention chirurgicale. Peu à peu, l’enflure de la gorge diminua, les fausses membranes enlevées ou cautérisées cessèrent de se reproduire. Le sifflement perdit de son intensité. À six