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ni l’excès des voluptés qui devient l’écueil où se brise la tendresse, n’avaient entamé l’âme de Chartrain.

Elle s’ingéniait ainsi, au mépris des « convenances morales », à créer dans le cœur d’Étienne une paternité d’élection. Jo lui ressemblait assez pour ne pas évoquer une image étrangère à leur rêve, et, parfois, Étienne cédait à l’illusion… Mais ce que Jacqueline n’avait pas prévu, ce qu’elle ne put empêcher, c’est la réaction douloureuse de ces calmes joies. Quand Étienne avait passé des heures avec son petit élève et sa chère collaboratrice, la solitude lui pesait plus lourdement encore et à la nostalgie de l’amour s’ajoutait la nostalgie du foyer. Ce bel enfant dont il aidait l’éclosion, dont il formait le cœur et l’intelligence, il appartenait à un autre, il portait le nom d’un autre. Un autre recueillerait la gloire de ses succès. Déjà Georges accaparait Jacqueline. Pourquoi Chartrain s’attristait-il de la voir devenir telle qu’il la rêvait ? Pourquoi, lorsqu’il pensait aux premières saisons de leur amour où Jacqueline se donnait avec tant d’aveugle passion, tant de jeune fougue, un malaise indéfinissable s’emparait-il de lui ? Pourquoi ? Il avait connu, dans ces lointaines saisons, les angoisses du remords,