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n’avait rien modifié dans sa vie conjugale et Paul ne sentait pas les transitions infinies par lesquelles la passion devient l’amitié.

Chartrain ne l’inquiétait pas. Il le savait trop droit pour entreprendre une œuvre de séduction préméditée, et sa confiance d’ami eût été toujours justifiée sans l’imprudence de sa confiance d’époux. Connaissant très bien son ami et très mal sa femme, Vallier ne prévoyait pas que la brillante Jacqueline pût s’éprendre du taciturne Chartrain.

Il était donc pleinement heureux. Il voyait Jacqueline évoluer et se transformer, dégoûtée de la vie bruyante, d’autant plus dévouée, qu’elle se sentait plus coupable. Mais il croyait à une réaction passagère, dans une âme saturée de plaisirs.

Jacqueline commença immédiatement sa tâche d’éducatrice. Étienne lui avait donné des conseils pratiques et une direction générale. En instruisant le petit Georges, elle acheva de connaître cet esprit d’enfant mobile, curieux et avide de nouveautés. En quelques semaines elle prit à son rôle un intérêt passionné. Seule, peut-être la légèreté de Jo, ses paresses, ses boutades, l’eussent irritée et dégoûtée. Soutenue par Chartrain, elle mit une secrète émulation à parfaire l’œuvre qu’ils