« Vous m’aviez promis de me prêter des livres… »
Augustin montra un paquet, sur la table.
« Je n’ai pas oublié ma promesse, et je vous ai apporté deux petits volumes très précieux pour moi et, peut-être, très ennuyeux pour vous.
— Comment !
— Ils vous intéresseraient cent fois davantage si vous connaissiez un peu de théologie… ou tout au moins un peu de catéchisme… Mais…
— Est-ce que c’est bien difficile, la théologie ? Vous pourriez m’expliquer… Mais, d’abord, laissez-moi voir ! »
Elle coupait la ficelle et prenait deux volumes reliés en veau brun, imprimés sur papier jaunâtre. La première page portait en grosses lettres rouges et noires le titre : Mémoires pour servir l’histoire de Port-Royal, par M. Fontaine. Et sous un cartouche représentant le monastère de Port-Royal vu à vol d’oiseau, on lisait :
À Cologne
Aux dépens de la Compagnie
MDCCXXXVIII
Fanny regardait le signet de soie rouge décoloré, tournait les feuillets, lisait tout haut les en-tête des pages : Abrégé de la vie de M. Fontaine… Mémoire de M. Le Maistre… Exercices des solitaires de Port-Royal des Champs… Mémoires sur les Écoles… Mémoires sur Messieurs de Port-Royal.
« Ce petit livre, dit Augustin, appartenait à mon aïeule Agnès, la miraculée. Mon arrière-grand-mère le rapporta d’Utrecht avec beaucoup d’autres : le Nécrologe, La Fréquente Communion, le célèbre Augustinus… Si vous avez la patience de lire le récit du bon M. Fontaine, malgré ses longueurs et ses gaucheries, vous sentirez bien vite le charme austère de Port-Royal… Et plus tard, quand vous serez plus familière avec les « Messieurs », j’achèverai de vous les faire aimer.
— Mais je ne pourrai pas lire… Je ne comprendrai rien ! s’écria Fanny. Port-Royal !… Je connais vaguement Port-Royal… C’était un couvent, dans la vallée de Chevreuse, où quelques savants s’étaient retirés pour travailler et instruire des jeunes gens… Il y avait un certain Lancelot qui défendait à Racine de lire un roman