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Un après-midi de mai, Fanny, couchée sur une chaise longue, dans sa chambre aux tentures fleuries, lisait une lettre de Barral, quand elle entendit claquer la barrière… Quelqu’un entrait dans la cour.

Elle pensa :

« C’est M. de Chanteprie. »

Il venait souvent aux Trois-Tilleuls ; ses visites amusaient la coquetterie de la jeune femme. Elle le trouvait barbare et charmant.

Cette fois, il n’était pas seul. Un prêtre l’accompagnait, un prêtre très grand, très fort, tout noir dans le soleil, les cheveux crépus bouffant en sombre auréole.

« Bonjour, madame. Je vous présente mon meilleur ami, M. le curé de Rouvrenoir, qui vient vous faire sa visite pastorale.

— Je connais fort bien M. le curé… Nous nous sommes rencontrés l’autre semaine, un matin, dans le bois…

— Oui, dit l’abbé, je m’étais installé sur la lisière du bois communal, avec mes gluaux. J’étais fait comme un sorcier… Tout à coup, j’entends un cri : et j’aperçois madame…

— Ah ! vous m’avez fait une belle peur ! dit Fanny.

— Hélas ! madame, la chasse est ma passion, ma funeste passion. Je suis fils de braconnier, un peu braconnier moi-même, et, quand j’entends le frou-frou du faisan qui part ou le tireli de l’alouette qui monte, tout mon sang de maraudeur s’émeut… Je suis chasseur d’oiseaux et chasseur d’âmes. »