Une servante, âgée, très haute, très maigre, coiffée d’un bonnet noir, entra dans le salon. Elle déposa sur la cheminée une lampe de porcelaine commune dont la lueur fit bleuir les fenêtres. M. Forgerus restait immobile, un peu gêné, son chapeau à la main.
C’était un homme de cinquante ans, chauve, à barbe grise, le nez aquilin, les sourcils gros, le regard ferme et circonspect. Il tenait de l’universitaire et de l’ecclésiastique. Sa redingote était fort démodée, et le cordon de son binocle cassé et renoué en plusieurs endroits.
« Soyez le bienvenu, monsieur, dit Mme de Chanteprie. Vous n’êtes pas trop fatigué de ce long voyage ?… M. de Grandville se porte bien ?… Il ne songe pas à revenir en France ?
— L’abbé de Grandville est en parfaite santé, malgré son grand âge, répondit M. Forgerus. Il appartient, corps et âme, à son cher collège de Beyrouth. Certes, si j’avais mieux supporté le climat de la Syrie, je n’aurais pas quitté mon vénérable ami. Mais j’espère lui revenir, madame, dans sept ou huit ans, quand votre fils n’aura plus besoin de mes leçons. »
Mme de Chanteprie appela :
« Augustin ! Venez saluer et remercier M. Forgerus qui veut bien se charger de vous.
— Nous serons de bons amis, j’en suis sûr, dit Forgerus, en posant les mains sur les cheveux blonds de son élève comme pour prendre possession d’Augustin.