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de buis dans l’eau bénite, elle aspergea le sol de la chambre et les draps du lit. La porte s’ouvrit enfin, et Mlle Desfossés annonça :

« Voilà le bon Dieu qui vient. »

Aussitôt les trois femmes, et la Chavoche même, s’agenouillèrent.

Un murmure d’oraisons emplissait le long corridor, et l’enfant de chœur parut, en robe rouge, tenant la clochette d’argent dans sa main gauche, et dans sa main droite un cierge allumé. M. Le Tourneur suivait, portant le ciboire qu’il déposa pieusement entre les flambeaux du guéridon. Et tous les assistants sortirent.

Alors le prêtre vint s’asseoir au chevet d’Augustin et l’engagea à réciter le Confiteor. M. de Chanteprie, soutenu par les oreillers empilés, parlait à voix basse. Il avouait des langueurs et des distractions pendant la prière, de secrètes impatiences, un sentiment inexplicable de colère, presque de rancune, contre les personnes qui l’assistaient.

Il s’interrompit tout à coup, et M. Le Tourneur, croyant la confession finie, entama le petit discours qu’il avait composé et appris une fois pour toutes, et qu’il débitait devant tous les lits de mort : « … Résignation… confiance dans l’infinie bonté de Dieu… Associer ses souffrances particulières aux souffrances de Jésus crucifié… » Certes, l’émotion de M. Le Tourneur était réelle et assez vive pour que son accent la révélât, mais elle ne savait s’épancher qu’en formules conventionnelles. Les mains du prêtre tremblaient un peu ; il évitait de regarder le pénitent ; et pourtant l’eau tiède de son éloquence coulait comme une source ininterrompue, égale, sans jets imprévus, sans bouillonnements excessifs.

« … Et vous soumettre, corps et âme, à la sainte volonté de Dieu, n’est-ce pas, mon cher enfant ?… Je vais donc… »

Augustin soupira. Saisi d’inquiétude, l’abbé tourna la tête :

« Qu’avez-vous ?… Vous souffrez ? »

Les lèvres du jeune homme s’entrouvrirent… Il ne pouvait parler… Mais cette bouche contractée, ces yeux fixes, ces yeux implorants exprimaient une si affreuse angoisse que M. Le Tourneur pâlit.

« Dites simplement votre peine… Que craignez-vous ?…

— Je n’ose pas… Je ne peux pas…

— Vous n’osez pas avouer une faute… un scrupule ?…

— Je n’ose pas communier, dit Augustin. Le secours que je demandais, ce saint viatique… Oh ! non… non… je n’ose plus…