Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Mieux vaut tard que jamais… Et M. Forgerus ?

— Il est retourné là-bas, en Asie Mineure.

— Vous savez que M. l’abbé Vitalis n’est plus à Rouvrenoir ?

— Je le sais.

— On lui a fait des ennuis. On a écrit à son évêque des bêtises, des mauvaisetés, pour le faire partir… Et le voilà à l’autre bout du diocèse, le cher homme. Rouvrenoir n’a plus de curé. On n’en remettra plus, parce que vos croquants sont des impies. Il n’y a pas de travail pour un curé… C’est celui de Tréville qui dit la messe et fait les enterrements… Et il y a une école de filles, maintenant, dans le presbytère. »

Augustin regardait la cour étroite, le jardinet tout jaune de dahlias et de coréopsis, et, par-dessus le mur, le portique latéral de l’église, les gargouilles aux arêtes amorties, rognées par les siècles, les arcs-boutants si beaux dans la poudre dorée du soir.

« Vous avez l’air tout drôle, mon fieu.

— Tu me trouves changé ?

— Point trop maigri, point trop pâli… changé tout de même.

— Allons, je t’ai vue… Je suis content. »

Il se levait.

« Partez pas… Faut que je vous dise…

— Quoi ?

Jacquine était déjà dans la maison. Elle rapporta un tout petit paquet noué de ficelle grise.

« Mon fieu chéri, v’là des papiers pour vous.

— Des papiers ?

— Oui, des lettres. J’ai promis… »

Il fit un geste de refus.

« Eh bien quoi ?… Ça ne vous engage à rien. Vous n’êtes pas obligé de répondre. Lisez seulement.

— Mme Manolé n’existe plus pour moi.

— Et si elle était morte, tout à fait ? »

Augustin qui marchait vers la porte, s’arrêta, tout pâle.

« Morte ?

— Elle n’est pas morte, non… mais elle n’en vaut guère mieux, la pauvre…

— Elle est venue ici ?…

— Ah ! plus de dix fois ! Elle voulait se périr. Elle disait : « Je n’en peux plus, Jacquine, je souffre trop ! » et des choses, que ça me saignait le cœur de l’entendre. Moi, je lui disais bien de se faire