Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blanche ». Ils s’étaient séparés de leur plein gré. Madame Barral, heureuse de recouvrer sa liberté sans discussions, sans formalités judiciaires, était retournée avec sa fille dans sa petite ville, et dépensait charitablement la pension que lui faisait son mari. Trois ou quatre fois par an, Georges allait voir sa femme en camarade. Elle le recevait fort bien. Dans les intervalles de ces visites, ils s’écrivaient régulièrement, et l’épouse faisait des neuvaines pour la conversion du païen… Ni l’un ni l’autre n’avait songé au divorce, elle par scrupule, lui par indifférence.

Divorcer, à quoi bon ?… Georges n’avait pas l’intention de se remarier. Il ne désespérait pas de rencontrer une femme intelligente et libre, sans préjugés, qui consentît à devenir son amie et sa maîtresse. Pourvu qu’elle ne l’obligeât point à mettre des juges dans ses affaires, et à passer une seconde fois devant le monsieur ceinturé de tricolore, Georges saurait bien lui faire un bonheur exquis et solide, un chef-d’œuvre de bonheur… Mais il fallait trouver la femme…

Barral rêvait à ces choses. Fanny parut, les manches retroussées jusqu’au coude, portant une pile d’assiettes qu’elle disposa sur la petite table. En cinq minutes, le couvert fut prêt.

— Vous avez faim, mon pauvre Georges, dit Fanny. Je n’ai pas un copieux déjeuner à vous offrir. Voyez : j’ai tout mis sur la nappe. La femme de ménage est partie. Nous ferons notre service nous-mêmes.

— Mais comment n’avez-vous pas de servante ?

— Je n’en ai pas pour le moment.

— Oh ! si j’avais su… Je me suis invité bien étourdiment. Pardonnez-moi…