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— Dieu vous a bien éprouvée, madame.

Elle soupira :

— J’avais un petit enfant… Lui aussi…

Ses paupières battaient, M. de Chanteprie, ému, se reprochait de ne savoir rien dire… Fanny, veuve désolée, malheureuse, ne l’effrayait plus : il aurait souhaité lui exprimer sa sympathie, mais une invincible pudeur lui ferma la bouche. Et il se trouva ridicule et sot.

La jeune femme secoua la tête, comme pour écarter un souvenir.

— Dans ce monde où j’ai vécu, et que vous ne connaissez pas, il y avait assurément quelques prétendus catholiques. Je songeais à eux, tout à l’heure, en vous écoutant, et je faisais la comparaison… Oui, il y avait des artistes qui se disaient « mystiques » ; c’étaient des chevaliers du Graal, des âmes de cygne, des rose-croix. Mon père s’en amusait… Il y avait aussi des catholiques par convenance, par tradition, qui vivaient en francs païens, je vous assure… Mon père les méprisait.

— Moi aussi, je les méprise, dit Augustin. Mais comment des gens, qui ont la foi, peuvent-ils vivre dans un pareil monde, et, s’ils n’ont pas la foi, pourquoi se disent-ils chrétiens ?

— Croyez-vous que des gens du monde peuvent conserver intacte leur foi ?

— C’est difficile, mais Dieu garde ceux qu’il a choisis.

Il pensait : « Et vous, madame, avez-vous la foi ? » La terrible question brûlait ses lèvres.

— Je m’étonne, reprit-il, que l’évidence de la vérité