Ils entrèrent dans la salle à manger, mi-obscure, très fraîche, meublée d’une table massive, d’une vieille huche et d’un bahut de noyer. La fenêtre avait des rideaux à carreaux rouges et blancs, et la tenture des murailles, d’un ton de brique, doux et chaud, s’accordait avec le bois brun des solives.
— C’est charmant ! dit Augustin.
— Il ne me manque plus que des cuivres et des faïences, çà et là. J’en trouverai chez les Martin, a Gariguières, m’a-t-on dit. J’aime ces vieilleries. Mon père possédait une collection de faïences, très belles, qu’on a dû vendre après sa mort. Quand j’étais petite, il m’emmenait avec lui dans des hameaux bretons et normands, et nous faisions des découvertes merveilleuses… Mon pauvre père ! Il était si gai, si vivant ! Il ressemblait à sa peinture… Vous connaissez la Fête galante qui est au Luxembourg ?
— Je ne suis jamais allé au Luxembourg… seulement au Louvre, une fois…
— Une fois !
— Pas davantage.
— Qu’avez-vous donc fait depuis que vous êtes au monde ? demanda-t-elle, avec un accent de commisération qui fit sourire Augustin.
— Je devine votre pensée, madame… Mon ignorance vous paraît si invraisemblable que vous ne savez plus si je suis un « monsieur » ou un paysan.
— Si nous avions cent ans de moins, je répondrais : « ni un paysan ni un monsieur, mais assurément un gentilhomme. »
— Soit ! dit Augustin, qui sentait toute la délicatesse de cette réponse, un gentilhomme campagnard,