Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étaient blonds dans le soleil, d’un blond sans éclat, or et cendre ; le front très haut conservait une pureté enfantine… Et comme les yeux étaient froids !

Fanny murmura :

— C’est beau, c’est aussi beau qu’au Chêne-Pourpre. Mais là-bas, on ne voit que la nature, les champs, la forêt, le ciel : on peut oublier qu’il y a des hommes… Ici, malgré soi, on pense aux hommes du passé, à ceux qui élevèrent ces tours, à ceux qui hantèrent ces logis mornes, ces rues désertes. Oh ! comme les jours devaient leur sembler longs et lente la vie !…

— C’étaient des gens heureux, dit Augustin. Ils ne voyageaient guère ; beaucoup d’entre eux mouraient sans avoir vu Paris ou Versailles. Ils lisaient peu : l’Écriture sainte et Plutarque composaient parfois toute leur bibliothèque. Mais ils n’avaient pas la curiosité de l’inconnu. Leur vie était réglée, uniforme, honnête. Fidèles au roi et à la religion, respectueux des traditions et des coutumes, ces braves gens obscurs, petits gentilshommes et bourgeois, étaient la force et la santé de la France… Je les envie.

— Vous les enviez, monsieur ?… Allons donc ! Je suis bien sûre que vous êtes à Paris plus souvent qu’à Hautfort.

— Ne soyez pas sûre, madame… Vous pourriez vous tromper.

Il coupa net la conversation, fâché d’avoir livré un peu de lui-même, et tous deux, en silence, descendirent le raidillon, vers la porte Bordier. Quand ils entrèrent dans l’église, M. de Chanteprie offrit l’eau bénite à la jeune femme. Surprise, elle toucha la main