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— À mes frais ! dit madame Lassauguette. C’est à voir, monsieur ; mais, dès à présent, je vous demande un rabais de mille francs sur le prix de la propriété.

— Je parlerai à ma mère, et si elle consent… peut-être…

— Il n’y a pas de peut-être. Je verrai votre mère aujourd’hui ; nous irons demain chez le notaire, et, dans quatre jours, je prendrai le paquebot du Havre. Réfléchissez, monsieur… Où est le chemin du verger ?… Dépêchons !

Ils prirent un sentier à travers le petit bois et gagnèrent un verger rectangulaire, clos de haies. Pendant que madame Lassauguette comptait les arbres à fruits, évaluait le rendement des coupes et la quantité de légumes qu’on pouvait espérer, bon an mal an, Fanny relevait son voile pour mieux contempler, dans l’ensemble et dans les détails, le magnifique paysage.

— Que c’est beau ! disait-elle. Quelle surprise ! Quelle merveille !…

À travers les troncs fourchus et les branches fleuries des pommiers, on apercevait une vaste pente de prairies qui descendait majestueusement. Les versants boisés des collines, avançant à droite et à gauche, s’abaissaient d’un même mouvement harmonieux, comme pour se réunir. Des arbres isolés se dressaient çà et là. Des toits émergeaient. On devinait l’église de Rouvrenoir dans la masse moutonnante des frondaisons que le premier printemps teintait des pourpres de l’automne. Et plus loin, baignée dans la suave transparence de l’air, c’était la plaine, étendue pendant des lieues et des lieues jusqu’à l’extrême horizon ;