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LA MAISON DU PÉCHÉ

retroussées, les bras et les mains tachés de rose par le sang vermeil des fruits… Et, se penchant encore, il vit la robe noire dégrafée au corsage, une blancheur de linge et, dans l’entre-bâillement de la chemisette, la gorge un peu basse, veinée de mauve, savoureuse comme un fruit, et tendre comme une fleur.

Il n’osait ni rester ni fuir. Et, si Georgette s’était retournée à ce moment, il fût mort de honte.

Soudain il crut qu’elle remuait, et, rejeté en arrière par une terreur inexplicable, parmi les feuilles froissées et les branches rompues, il courut vers le pavillon.

Les volets, clos depuis le matin, entretenaient dans la chambre une fraîcheur de grotte sylvestre. Une ligne de jour les séparait, un long fil de clarté brillante. Les rideaux couleur de safran, suspendus à une couronne de bois sculpté, s’évasaient mollement au-dessus du lit, contre la boiserie gris de perle. Et rien n’était plus charmant que l’accord de ce gris si pâle et de ce jaune si doux.

Augustin tremblait. Son cœur battait lourdement… Qu’avait-il fait de mal ? Pourquoi cette fuite éperdue, ce trouble ?… Hélas ! quelque chose avait traversé sa vie, quelque chose d’extraordinaire et d’effrayant qu’il n’oublierait pas et dont il garderait l’obsession. Son âme avait frémi tout à coup, fascinée, attirée dans le frais sillon de chair palpitante… Et ce vertige de l’âme, cette fièvre du sang, c’était cela le Désir, le Péché, la Concupiscence, dont parlent les livres saints.

À genoux, devant le crucifix, Augustin pria, frappant sa poitrine, déplorant sa curiosité coupable. Et son émotion s’apaisa. Il baigna d’eau froide son front et ses tempes. Mais, malgré lui, parmi ces meubles