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LA MAISON DU PÉCHÉ

jours, Augustin vit resplendir entre les arbres la chevelure miraculeuse. Le troisième jour, il ne vit pas Georgette, et, le quatrième jour, il se demanda si elle n’était pas déjà partie… Il désirait qu’elle s’en allât, sans comprendre la singulière répulsion que lui inspirait cette pauvre fille… une enfant !

Interroger sa mère, interroger Jacquine ?… Il n’osait pas. Mais, comme il se promenait dans le jardin, il se dirigea vers le potager par une allée si ombragée qu’elle restait sombre et fraîche en plein midi. La haie d’épine la fermait au bout dans sa largeur, et c’était comme un long couloir obscur où pleuvaient çà et là des gouttes de clarté mouvante.

M. de Chanteprie regarda furtivement par-dessus la haie.

Sous le ciel incandescent, le sol craquait, les plantes se tordaient, agonisantes de soif. Les choux, dévorés par les chenilles, étalaient leurs feuilles boursouflées, grisâtres, brodées à jour. Sur les brindilles de bois fichées en terre, les fleurs des pois simulaient un vol de papillons arrêtés tous ensemble, tué par l’incendie solaire, et dont les ailes blanches ne palpitaient plus.

Assise contre la haie, Georgette égrenait dans un bassin de cuivre les groseilles déjà meurtries. De vieux arbres versaient sur elle une ombre humide et flottante. Ses cheveux, accrochés aux épines, tissaient autour de sa tête une toile d’araignée toute en fil d’or, dont le chignon était le centre lumineux et mobile. On entendait, dans le silence, son petit souffle accablé.

Augustin se pencha. Il vit la joue enfantine, le cou pâle, plus pâle dans le reflet vert des arbres, les manches