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LA MAISON DU PÉCHÉ

que le maître et l’élève appelaient mélancoliquement « l’épreuve préparatoire ».

— Je reviendrai dans huit jours, et je resterai quelques semaines encore près de vous, avait dit Forgerus en embrassant M. de Chanteprie, sur le quai de la gare.

Augustin s’en retourna seul à Hautfort-le-Vieux. La vieille voiture à deux roues sautait rudement au trot du petit cheval gris. Des platanes, lisses et tachetés, filaient sur chaque bord de la route départementale, et la campagne, entre les courbes des coteaux, s’étendait, blonde et poudreuse, dans la rougeur du couchant.

À l’entrée de la ville, M. de Chanteprie fit un détour pour éviter la montée trop roide et l’affreux pavé des rues. Une allée bordée de bois et de jardins le reçut dans son ombre, et pendant que le cheval gravissait la côte, le jeune homme se prit à rêver, Gomme un dormeur éveillé, il regardait ses pensées danser dans le soleil, papillons éblouissants et vagues… Soudain une voix claire, impérieuse, et presque enfantine appela :

— Monsieur !… monsieur !…

D’un geste involontaire, Augustin lira sur les rênes. Le cheval s’arrêta court, et M. de Chanteprie, se détournant, vit une jeune fille qui suivait la voiture.

— Monsieur, répéta-t-elle, s’il vous plaît, c’est bien là-haut, le carrefour des Trois-Routcs ?

— Tout droit devant vous.

— Il y en a pour longtemps ?

— Un quart d’heure.

— Et ça monte toujours ?