Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée
33
LA MAISON DU PÉCHÉ

buée odorante, faisait briller le serpent argenté de ses cheveux et la turquoise pendue à son oreille… Elle était si caressante, si amusante, la Chavoche, et si effrayante aussi !…

Les gens qui la détestaient venaient la quérir, parfois, en grand mystère, car elle connaissait des emplâtres merveilleux contre les douleurs, et des racines qu’on met sous l’oreiller des enfants en convulsions, et des tisanes qui guérissent la colique et la fièvre. Et même on disait qu’un homme de son pays lui avait appris à découvrir les sources avec une baguette de coudrier ! Mais Jacquine n’osait avouer et employer tous ses talents… Elle obligeait volontiers le monde, pour rien, pour le plaisir, mais elle redoutait que sa réputation de thaumaturge ne vînt aux oreilles de : madame de Chanteprie.

Mademoiselle Courdimanche n’aimait pas la Chavoche. Jacquine allait à l’église, comme tout le monde, « parce que les gens ne sont pas des chiens ». Elle croyait peut-être en Dieu… Et pourtant, elle n’était « pas bien catholique » ! Ces mots, entendus cent fois, troublaient Augustin. Il priait ardemment pour sa vieille bonne et suppliait Jésus de l’éclairer, de la sauver. « Mon Dieu, disait-il, si vous voulez que je sois heureux dans votre paradis, mettez-y tous ceux que j’aime : maman, mademoiselle Gariste, M. Gourdimanche et Jacquine… »

Assurément, madame de Chanteprie irait au ciel tout droit, et aussi les Courdimanche. Mademoiselle Cariste collectionnait les indulgences depuis plus de quarante ans ! Elle ne laissait pas sonner l’heure sans murmurer l’oraison : « Cœur de Jésus, sauvez-moi ! » qui