Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/46

Cette page n’a pas encore été corrigée
32
LA MAISON DU PÉCHÉ

Cette image magnifiée de sa mère, Augustin l’associait, spontanément, depuis sa petite enfance, h toutes ses émotions religieuses. D’un bout à l’autre de l’année, les cérémonies se succédant enfermaient dans un cercle mystique les âmes unies de la mère et du fils. Ensemble, ils saluaient l’étoile de l’Épiphanie ; ensemble, ils voyaient le prêtre marquer de cendre le front humilié des fidèles ; ensemble, ils respiraient, au tombeau de Jésus, l’odeur funèbre exhalée par les fleurs qui s’effeuillent et la cire ardente qui fond ; ensemble, ils guettaient le retour des cloches dans l’air argenté du printemps pascal. Les fêtes catholiques étaient les seules dates importantes de leur vie, et Jésus, la Vierge, les Saints étaient présents à leur pensée et familiers comme des proches.

Ni le dévouement de Jacquine, ni l’amitié des Courdimanche n’avaient pu distraire Augustin de cette filiale adoration. Et pourtant, près de Jacquine, chez mademoiselle Cariste, le petit rêveur, trop doux et trop grave, redevenait un gamin babillard. La servante rouvrait la nature à cette imagination naissante qui s’en allait toujours vers l’église, l’enfer ou le paradis. Augustin se plaisait dans le jardin des simples, dans l’office plein de vases étranges, de bassines et d’alambics. Jacquine savait tant d’histoires de gendarmes et de braconniers, tant de complaintes où il est question de rossignols, de marjolaines et de filles mortes d’amour ! Penchée sur le sirop bouillant, elle chantait la « Maumariée » avec un branlement de tête et un sourire de mère-grand, Sa voix était frêle comme un son d’épinette, ses doigts plus noueux que des sarments. Le soleil, filtrant par les carreaux, à travers la