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LA MAISON DU PÉCHÉ

piété véritable qui n’a pas besoin du secours des sens pour s’échauffer et s’entretenir. Et l’image d’Augustin, évoquée à cette pensée, attendrit le maître. Élie aimait les enfants : leur état lui apparaissait terrible, digne de toute sollicitude et de toute compassion. L’enfant, c’est la ville naissante, sans portes ni remparts, que le Saint-Esprit n’habite pas encore, et que la raison encore infirme ne défend pas. Le Mal rôde autour de lui ; et il ne combat pas le Mal, parce qu’il l’ignore, et il est vaincu par le Mal, parce qu’il est le fils pécheur d’Adam. Le maître doit veiller sur lui, l’instruire par l’exemple plus que par la parole, et le sauver en se sauvant avec lui.

« Seigneur, priait Forgerus, je sais bien qu’il est téméraire de prétendre conduire les autres lorsqu’on n’a point su se conduire soi-même. Mais, quand l’effet de mes soins répondrait à mon espérance, oserais-je m’enorgueillir ? Le jardinier taille la jeune plante, la redresse, l’assujettit au tuteur ; il la défend contre la gelée et l’ardeur de la canicule ; il détruit les insectes nuisibles ; mais ce n’est pas lui qui fait germer la graine, et monter la sève, et s’ouvrir la fleur. Agréez donc l’humble service du jardinier. Ménagez à la frêle plante humaine la pluie et le vent, le soleil et l’ombre. Je travaillerai pour elle ; elle fleurira pour vous. »