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ignorante qui n’a pas su sauver son fieu !… Il meurt, il meurt, et il y a des gens qui disent qu’il y a un bon Dieu dans le ciel… Il est donc sourd, quand les gens en chagrin l’appellent !… C’est donc perdu, les prières qu’on lui dit, et les chants et les simagrées des prêtres !… Un Dieu !… Un Dieu qui tue nos enfants !… Non, non, ce n’est pas vrai… Il n’y en a point !… Il n’y a pas de justice… On a tué notre Augustin avec des mensonges… Il meurt pour rien… pour rien !

Elle se tordit les bras, avec un cri sauvage. Les Courdimanche pleuraient, à genoux. Immobile, droite devant le Christ sombre, madame Angélique achevait les Prières des agonisants :

« Seigneur, nous vous prions d’oublier son ignorance et les péchés de sa jeunesse ; montrez-lui votre grande miséricorde et souvenez-vous de cette âme dans l’éclat de votre gloire. Que les cieux lui soient ouverts, que les anges se réjouissent avec elle ! Recevez-la dans votre royaume… »

La bouche d’Augustin tourna. Ses yeux qui ne voyaient plus, ses yeux où montait l’ombre de la mort, s’ouvrirent une dernière fois, tout grands, dans une expression d’angoisse suprême… Un filet de sang coula, du coin des lèvres… Et la pauvre âme tremblante s’en alla, dans l’inconnu, au murmure des prières.

Le Chêne-Rogneux,
1893-1902.


FIN



émile colin et cie — imprimerie de lagny — 13079-10-03.