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soit dans la sainte Sion. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur… »

Le râle devenait plus fort. C’était une longue, une affreuse inspiration spasmodique, régulière, que le capitaine Courdimanche et mademoiselle Cariste entendaient retentir au fond d’eux-mêmes. Et madame Angélique priait :

« Sortez de ce monde âme chrétienne… Je vous recommande au Dieu tout-puissant ; je vous laisse à celui dont vous êtes la créature, afin qu’après que vous aurez payé par votre mort le tribut de l’humanité, vous retourniez à votre auteur qui vous a formé du limon de la terre. Que l’horreur des ténèbres, que l’ardeur des flammes et la rigueur des tourments vous soient inconnues… Que Jésus, qui a voulu mourir pour vous, vous délivre de la mort éternelle… Que vous découvriez l’éternelle vérité dont la splendeur est si éclatante, et qu’étant unie à la compagnie des bienheureux vous jouissiez de la douceur et de la contemplation divine pendant les siècles des siècles… Amen ! »

Jacquine ne pleurait plus. Ses traits, si beaux dans leur décrépitude, étaient devenus rigides, comme sculptés dans un très vieux buis. Si grande, si auguste, si maternelle, le front ceint d’une étoffe noire, elle ressemblait à ces nourrices antiques que les Grecs aimaient à pencher sur le cadavre des héros. Trempant un linge dans une eau mêlée de vinaigre, elle humectait les lèvres desséchées du moribond, et parfois, d’un baiser pieux, essuyait la sueur de ses tempes. Puis tout bas, comme en rêve, elle lui disait :

— Dors, mon fieu chéri, dors !