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Il n’avait plus de paroles… Son regard seul vivait encore, son regard conscient, lucide, chargé de rancune farouche. Et ce regard, allant de madame Angélique aux Courdimanche, et des Courdimanche aux absents, qu’il voyait, semblait dire :

« Qu’avez-vous fait de moi ? »

— Il nous demande des prières, dit madame de Chanteprie.

Le regard du mourant se tourna vers elle. Mais ni elle ni personne ne pouvait comprendre ce qu’exprimait ce regard. Il erra encore, et s’arrêta sur Jacquine, plus doux et si triste que la Chavoche sanglota tout à coup.

— Silence ! dit madame de Chanteprie. Son âme entre dans la gloire… Que les morts pleurent leurs morts. Nous, chrétiens, prions !

Elle se tourna vers le Christ cloué au-dessus du lit, et, tenant dans ses mains la main de son fils, debout, comme une prophétesse inspirée, elle récita les Prières des agonisants. Sa voix haute, claire, distincte, dominait les sanglots de Jacquine et le râle du moribond :

« Sortez de ce monde, âme chrétienne, au nom de Dieu, le Père tout-puissant, qui vous a créée, au nom de Jésus, fils du Dieu vivant, qui a souffert pour vous, au nom du Saint-Esprit qui s’est communiqué à vous ; au nom des Anges et des Archanges, au nom des Trônes et des Dominations, au nom des Chérubins et des Séraphins, au nom des saints Apôtres et des Évangélistes, au nom des religieux et des solitaires, au nom des martyrs et des confesseurs, au nom des vierges et de tous les saints et saintes de Dieu. Que vous soyez aujourd’hui dans la paix et que votre demeure