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Augustin frissonna… « Recevez-le, en toute confiance, dans un sentiment d’humilité et de douceur. » Et la porte se rouvrit… À travers le brouillard de ses pleurs, Augustin entrevit un noir défilé de formes silencieuses qui entraient une à une et se prosternaient autour du lit : il entrevit la petite lueur des cierges, jaune dans le plein jour, la robe rouge du servant, le blanc surplis du prêtre, le ciboire comme un point de vermeil. L’odeur des roses emplissait la chambre et il parut à M. de Chanteprie que son âme se détachait déjà, et flottait, légère, si légère, dans ces lueurs vagues et dans ces vagues parfums… Demi-conscient, triste et docile, il sentait son Dieu venir vers lui ; il sentait autour de lui, l’Église, représentée par le prêtre et les fidèles, l’Église attentive à l’abriter sous l’étole symbolique, à le rafraîchir de ses eaux lustrales, à le bercer de ses chants millénaires qui endorment l’une après l’autre, dans la mort, les générations des hommes…


L’abbé Le Tourneur était parti. Dans la chambre crépusculaire, l’odeur des cierges éteints se mêlait, tenace et funèbre, à l’odeur des roses. Déjà, l’on ne distinguait plus les angles des murs ; mais la mousseline des rideaux retenait un reflet bleuâtre, et M. de Chanteprie regardait décliner la lumière, cette douce lumière du soir qu’il ne verrait plus.

Un grand silence s’était fait dans son âme. Il songeait à des choses très anciennes, qu’il croyait avoir oubliées, à de petits événements de son enfance, à des gens morts depuis longtemps dont il revoyait, distinctement, le visage. Ils étaient morts, ces gens, comme Augustin allait mourir. Il resterait de lui ce