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pliante, je ne peux pas perdre la foi, maintenant, la foi qui a réglé ma vie, à qui j’ai tout sacrifié ?… Ce serait une dérision effroyable… Dieu ne permettrait pas… Et cependant !… Là, tout au fond de moi, j’entends quelque chose… quelqu’un… qui proteste : « Si tu t’étais trompé ?… Des preuves, des certitudes… il n’y en a pas que la raison humaine puisse concevoir… Pour croire, il faut aimer : à l’heure de la mort, tu n’aimes plus ton Dieu assez pour y croire… » Ainsi parle la voix… Et, perdant pied, submergé de toutes parts, je me raccroche à la raison comme à une planche pourrie qui me soutiendra, — peut-être, — dans ce grand naufrage… Je refais le pari de Pascal : « Si je perds, je ne perds rien. Si je gagne, je gagne tout. » Mais la voix ironique, tout bas, ricane : « Si tu perds, n’as-tu rien perdu ? Ce rien, c’est ta jeunesse, ta force, ta santé, ton amour ! Ce rien, c’est toute ta vie qui pouvait être heureuse et belle, humainement !… Hypothèses, les sanctions d’outre-tombe, le jugement, les récompenses et les châtiments éternels !… Hors de ta vie, que tu as jetée comme un méprisable enjeu, il n’y a pour toi ni réalités, ni certitudes… » Ainsi me parle encore la voix… Et moi, misérable…

— Tentations ! cria M. Le Tourneur, étendant la main comme pour un exorcisme : tentations vaines et négligeables… Derniers assauts de l’esprit du mal !…

Augustin se dressa sur sa couche. Ses mains décharnées saisirent le bras du prêtre, et son visage hagard devint effrayant.

— Aidez-moi ! cria-t-il. Aidez-moi ! Secourez-moi !