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— Là, ne vous fâchez donc plus ! On ne parlera plus d’elle… Ce qui est fini est fini.

Auguslin mit le paquet de lettres dans sa poche et s’en retourna chez lui en rêvant.


À Saint-Marcellin, pendant les premières semaines, il avait souffert, atrocement. L’ignorance où il était de l’état et des sentiments de Fanny, la certitude d’être méconnu — oublié peut-être, — une inquiétude tendre et jalouse, mille pensées baroques, sinistres, honteuses, l’avaient tourmenté jour et nuit. Dieu, qui d’abord semblait l’accueillir, se retirait tout à coup ; la source des effusions tarissait au cœur du pénitent ; la prière n’était plus qu’une récitation mécanique. Abreuvé d’amertume et de dégoûts, privé des grâces sensibles qu’il désespérait de mériter jamais, Augustin perdit confiance… Il crut sentir sur lui l’écrasante réprobation et comme les premières ombres de la nuit éternelle. Mais M. Forgerus veillait. Mieux que le confesseur choisi par Augustin, il sut, dans les oraisons communes et les entretiens de chaque jour, conquérir et rassurer son élève. Hardiment il interpréta selon le sens chrétien toutes les circonstances mystérieuses, toutes les rencontres singulières de sa vie passée et de ses tristes amours ; il lui montra partout le travail manifeste de Dieu attentif à rejeter hors du monde celui qu’il ne destinait point au monde. Dieu caché, Dieu présent. Dieu choisissant les moyens les plus divers et les moins prévus, pour produire au moment marqué la crise définitive, la tempête de l’esprit et du cœur où la grâce éclate en foudre.

Augustin s’humilia sans ferveur, pria sans joie,