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pénitence, le rejoindre dans la sphère bienheureuse où les âmes se retrouvent et s’unissent pour l’éternité ?

— Des mots… des mots ! dit-elle, et tout à coup, elle recommença de pleurer. Je suis perdue… Qu’est-ce que je vais devenir, maintenant ?… Tout est sombre autour de moi… C’est la nuit, le désert… Je n’ai personne… Qu’est-ce que je ferai, ce soir, demain, et après ?… Et je suis jeune, et j’ai de longues années à vivre… seule… toujours seule… moi qui n’ai vécu que d’amour ! …

— Dieu pardonne aux pécheurs et console les affligés. Donnez-vous à lui, madame.

Elle ne répondit pas.

— Je souhaite qu’il vous éclaire, mais je crains bien… Allons, je dois vous quitter !… Méditez, priez… On priera pour vous… Adieu, madame.

— Adieu.


Dans la froide lumière et le silence de l’atelier, les figures des tableaux font leur geste immuable ; les déesses de plâtre contemplent de leurs yeux sans prunelle la femme étendue sur le divan. Seule, parmi ce peuple inanimé, Fanny souffre, comme elle va souffrir, seule, parmi le peuple indifférent des hommes.

Elle n’éprouve aucun sentiment de haine ou de colère ; elle ne s’excite pas à maudire Élie Forgerus et madame de Chanteprie ; elle oublie que Barral a prédit ces choses et qu’il attend.

Comme des nuages au vent, ses pensées roulent… C’est un chaos de souvenirs… Deux ans de sa vie, le merveilleux amour dans les décors enchantés du Chêne-Pourpre… Le vallon de Port-Royal… les soirs