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Fanny reprenait :

— On vous a raconté que j’étais un monstre, n’est-ce pas ?… C’est madame de Chanteprie, ce sont les fanatiques comme elle qui sont des monstres… Ils n’ont pas de cœur, ils n’ont pas de sang dans les veines… Oh ! ces gens-là, je les hais !… Moi, moi, une criminelle, parce que j’ai voulu vivre toute ma vie de femme, parce que j’ai cherché mon bonheur !

— Vous l’avez cherché où il n’était pas.

— Est-il donc dans vos couvents, dans vos églises, dans votre ciel glacé où je ne sens rien ?…

— Pauvre femme !

— Vous me plaignez ?

— Infiniment. La lumière a brillé sur vous et vous n’avez pas voulu la voir.

— Vous me plaignez… Et lui, me plaint-il de toute son âme dévote, me plaint-il en m’assassinant ?

— Il pleure sur vous plus que sur lui-même. Qu’il souffrirait, s’il vous entendait parler ainsi !

— Veut-il donc que je lui dise « merci », quand il m’abandonne, quand il me tue… Car il m’a tuée… Je ne serai plus jamais, jamais, la femme confiante et fière que j’étais !… Le ressort de ma force est cassé… Je ne lutterai plus… Je me laisserai aller, n’importe comment, n’importe où, au courant de la vie…

— Ne dites pas cela. Vous ferez la volonté d’Augustin. Son douloureux sacrifice ne vous sera pas inutile… Madame, ne serez-vous pas émue par la suprême prière d’un homme qui vous a aimée jusqu’à mettre son âme en péril pour sauver la vôtre ?… Ne voulez-vous pas le suivre, dans les chemins étroits de la