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LA MAISON DU PÉCHÉ

ce décor de fêtes galantes, ces images païennes qui surgissaient… Il regretta la maison du maître des requêtes, le logis où madame Angélique vivait et priait seule, et que n’avait jamais profané l’amour.

Cependant l’Homme aux Pavots n’eût pas reconnu sa retraite. Des cordes tendues supportaient les herbes sèches, des oignons en bottes, des chapelets de mousserons. Sur la mosaïque, des pommes de terre s’entassaient parmi les faïences et les ferrailles. Une araignée, en boule, pendait à un long fil invisible, et des papillons pelucheux, étourdis par la clarté, restaient collés contre les vitrages. Sous les pieds de Jacquine, une souris fila. La vieille femme ne s’en émut guère. Éclairée de bas en haut par la lanterne qui projetait au plafond son ombre comique et démesurée, on eût dit la marraine de Gendrillon cherchant la citrouille magique ou le gros rat moustachu. Chacun de ses mouvements, déplaçant l’ombre et la lueur, éveillait des reflets nacrés sur la pelure des oignons et révélait les objets entassés par terre ; chaudrons vêtus par la suie d’un beau noir velouté, cuivre jaune d’un flambeau, cuivre rouge d’une bouilloire pansue, cabossée à plaisir pour les jeux errants de la lumière.

— Ah ! dit la vieille, notre Augustin, mon cher fieu, il venait jouer dans cette salle quand il était encore tout petit. Bien souvent je l’ai mené au grenier par l’échelle, pour lui faire voir les bric-à-brac de l’ancien temps, les tableaux crevés, les sièges défoncés, les musiques qui ne chantent plus. Il y en a, là-haut, des choses !… des choses d’avant la Révolution !… Tout ça, c’était à l’ancêtre de madame, l’Homme aux Pavots, comme on dit.