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LA MAISON DU PÉCHÉ

Soudain, un bruit de voix retentit dans le vestibule, et la porte s’ouvrit, livrant passage à un ecclésiastique. Un vieux monsieur et une vieille dame suivaient.

— Nous sommes allés jusqu’aux ruines, dit le prêtre, et mademoiselle Cariste a senti l’heure du dîner…

— Monsieur le curé, dit madame de Ghanteprie, voici M. Elie Forgerus, professeur au collège français de Beyrouth, qui veut bien faire l’éducation de mon fils… M. le curé de Hautfort… Mademoiselle Cariste Courdimanche… Le capitaine Courdimanche…

Jacquine annonçait :

— Madame est servie.

Après des saluts et des paroles cérémonieuses, la compagnie passa dans la salle à manger.

Cette grande pièce, dallée de losanges blancs et noirs, tapissée d’un papier verdâtre, s’ouvrait quatre fois l’an, aux jours des quatre fêtes principales. Thérèse-Angélique de Chanteprie — Madame Angélique, comme on l’appelait familièrement — n’y recevait jamais que l’abbé Le Tourneur, curé de Hautfort, et le couple fraternel des vieux Courdimanche.

Le capitaine, âgé de soixante-cinq ans, prêtait à rire, par l’exagération d’un nez saillant et d’un menton osseux qui faisaient penser Don Quichotte. Et c’était un Don Quichotte, en effet, pacifique et tendre, qui n’avait d’autre amour que l’amour des pauvres, et d’autre folie que la folie de la Croix. Dans la cour de son logis, il nourrissait des lapins, par centaines, et la vente de ces bctes augmentait le « budget des charités ». Tel qu’il était, avec son profil comique,