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LA MAISON DU PÉCHÉ

— Oui, le sophiste de Genève avait corrompu son esprit et son cœur. La lecture de l’Héloïse acheva de le dépraver. Il fit construire un pavillon au fond du jardin et planter un bouquet d’arbres qu’il appela le « Bosquet de Julie ». Ce pavillon devait abriter une danseuse, Une certaine Rosalba-Rosalinde, transfuge de l’Opéra, et que les gens du roi recherchaient pour la conduire aux Repenties. Pendant trois ans, M. de Chanteprie et cette créature vécurent ensemble, secrètement, occupés de musique et de jardinage. Ils cultivaient toutes les variétés du pavot, la fleur préférée d’Adhémar. Puis, un soir, le vieux laquais qui les servait trouva M. Chanteprie étendu sur un banc du Bosquet… mort d’apoplexie… La Rosalinde passa en Angleterre…

— Et le pavillon existe encore ? demanda M. Forgerus.

— Assurément. J’ai fait réparer le premier étage, et vous y trouverez un logement agréable… Ainsi cette maison de péché deviendra une maison d’étude et de prière. J’ai résolu de ne point intervenir dans l’éducation de mon fils : la femme ne sait pas élever l’homme… Vous vivrez donc chez vous, servi par Jacquine, libre de sortir à votre fantaisie et de recevoir qui vous plaira.

M. Forgerus comprit que madame de Chanteprie ne voulait pas loger sous son toit un homme, célibataire, qui n’était point son parent.

— Je vous remercie mille fois, madame. Mais je n’userai guère de cette liberté que vous m’accordez. Je n’ai plus de famille, je n’ai pas d’amis, et j’aime la solitude.