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LA MAISON DU PÉCHÉ

religion ne va pas jusqu’à la défendre — ni même jusqu’à la pratiquer.

— Oui, dit madame de Chanteprie, ces jeunes gens ont appris les sciences, la littérature, les beaux-arts, mais ils connaissent peu, ou point, la doctrine chrétienne ; ils n’ont jamais lu les livres des saints docteurs… Nourris à l’école des poètes et des païens, ils ignorent les Pères de l’Église : saint Jérôme, saint Ambroise, saint Augustin. Regardez ce portrait, monsieur : c’est Gaston de Chanteprie. Il fut instruit aux Petites Ecoles du Ghesnai, par M. de Bcaupuis. Nos Mémoires de familles racontent qu’il fut chrétien austère et grand savant. Il possédait à merveille les ouvrages de saint Augustin, et pouvait tenir tête à quatre jésuites… Avec toute sa vertu et toute sa science, il était simple comme un enfant.

M. Forgerus souleva la lampe vers le cadre. Un pourpoint sombre, des cheveux sombres se perdaient dans le bitume du fond, mais la face émergeait, la face d’une pâleur ardente, où vivaient les yeux bleus.

— C’est une peinture de Philippe de Champaigne, dit le précepteur. Je reconnais le dessin précis, la couleur sobre du vieux maître.

— Après l’exode des Chanteprie en Hollande, ces portraits tombèrent aux mains de mon arrière-grand-oncle Adhémar, qui les donna par testament à mon trisaïeul. Cet Adhémar affligea sa famille par le libertinage de son esprit et le désordre de ses mœurs. Il prétendait que l’homme était naturellement bon, et préconisait « le retour à la nature ».

— C’était un disciple de Rousseau, un « homme sensible » !