Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pantalon de terrassier. Sa femme, une maigre créature à bandeaux plats, s’était réfugiée dans un coin où personne ne faisait attention à elle. Le père Bruys, vieux bonhomme très blanc, très doux, à tête d’apôtre, se versa un petit verre de cognac. Saujon racontait son séjour en Normandie chez sa belle-mère. Le sculpteur Coquardeau, sorte de paysan têtu, à grande barbe noire, regardait amoureusement les femmes de Rodin.

— Non, c’est pas pour dire, mais ce que je me suis embêté ! conclut Saujon. Et vous, chère amie, vous êtes florissante ?… Heu !… un peu pâlotte !… Dites donc, avant d’entamer le programme des divertissements, vous allez nous montrer vos études.

— Mes études ?… Ah ! mon pauvre Saujon ! Je n’ai rien fait ou presque rien : une demi-douzaine de pastels qui ne valent pas le diable. Demandez à Barral !

— Eh bien ! vous vous moquez de nous, ma chère amie !… Vous filez au printemps, en disant : « Je vais surprendre les secrets de cette gueuse de nature… » Et puis, néant !… Qu’avez-vous donc fait ?

— Et vous ?

— Des tas de petites choses… Et maintenant je commence un grand panneau décoratif d’après mes études de l’été… Un motif épatant !… Un pré, des saules, des saules d’un vert… mais d’un vert !… Non, ça ne peut pas se rendre ! Un vert un peu gris, frotté d’argent, si délicat !… Hein ? Coquardeau, tu le connais, ce vert des saules, à quatre heures du matin !

Coquardeau répondit :

— Épatant !