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révélait des arrière-pensées effroyables… Et l’éloge de Rennemoulin recommença, si bien que M. de Chanteprie, interloqué, devina le secret de la jeune femme… Quoi, une femme mariée ?… Était-il possible que Rennemoulin, honnête homme, bon catholique ?…

Un violent coup de sonnette, l’irruption bruyante d’une bande interrompit le panégyrique. Trois jeunes gens, un vieillard, une femme, entrèrent dans l’atelier. L’un d’eux criait :

— Saujon est revenu de Normandie !… il arrive, il arrive ! Voilà Saujon !… Il apporte du saucisson, du boudin, un pâté et du gui, du gui qui vient de chez sa belle-mère !… Nous venons vous faire une surprise, madame Manolé ! Nous apportons de quoi réveillonner. Nous demandons l’hospitalité jusqu’à minuit. Ça va, la petite fête ?…

— Tais-toi, Coquardeau, dit Saujon. Il y a du monde… Bonsoir, Fanny… Je ne vous avais pas vue depuis le printemps. Alors, je me suis permis de venir… Hein ! quelle gaffe !…

— Mais non, dit mollement Fanny, vous êtes les bienvenus.

Et tout bas :

— Soyez correct, Saujon. Nous ne sommes pas entre camarades, ce soir.

Elle présenta Saujon, Rèche, Coquardeau, Bruys, à madame Robert, tout effarée encore de cette invasion.

Saujon affecta d’abord une raideur britannique. Il avait des cheveux longs, une toute petite barbe en deux pointes, un gilet de velours, un veston de velours, un pantalon de velours, très large, un vrai