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Ça et là, des faïences, des cuivres, des gravures, des études sans cadres, des affiches, et, sur une console, quelques figurines de Tanagra et un groupe de Rodin.

Augustin ne pouvait examiner en détail cet intérieur d’artiste sans ressentir quelque malaise. Il passait avec tremblement devant une estampe du xviiie siècle, une Bergère d’après Fragonard, et devant les Femmes damnées de Rodin. Comment madame Manolé pouvait-elle supporter la vue de ces objets qu’Augustin appelait crûment des obscénités, des ordures ? Fanny, en tolérant cet étalage d’indécences, semblait inviter les gens à lui manquer de respect. Que de fois, M. de Chanteprie l’avait priée de supprimer ces sujets de scandale !… Mais Fanny, — qui avait sacrifié sa bicyclette à ce qu’elle nommait la « pudibonderie » de son amant, — Fanny s’était presque fâchée : « Çà, des obscénités, des ordures ? Mais c’est admirable !… L’art sauve tout. Il faut que vous ayez l’imagination bien impure, mon ami !… »

Depuis, Augustin luttait contre la tentation d’anéantir, par une volontaire maladresse, la Bergère impudique, et les amies enlacées qu’il ne pouvait voir sans dégoût.

Madame Robert s’approcha. Ils causèrent. Elle était de ces femmes plus gracieuses que belles, plus sensibles qu’intelligentes, qui plaisent au second regard. Elle parla de Rennemoulin avec une admiration contenue, et de Barral avec une horreur naïve.

— Je pense que vous n’attachez aucune importance à ses propos… Le vilain homme !… Il ne respecte rien. C’est un matérialiste…

Elle prononça ce mot d’un ton mystérieux, qui