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LA MAISON DU PÉCHÉ

— L’abbé de Grandville est en parfaite santé, malgré son grand âge, répondit M. Forgerus. Il appartient corps et âme à son cher collège de Beyrouth. Certes, si j’avais mieux supporté le climat de la Syrie, je n’aurais pas quitté mon vénérable ami. Mais j’espère lui revenir, madame, dans sept ou huit ans, quand votre fils n’aura plus besoin de mes leçons.

Madame de Chanteprie appela :

— Augustin ! Venez saluer et remercier M. Forgerus qui veut bien se charger de vous.

— Nous serons de bons amis, j’en suis sûr, dit Forgerus, en posant les mains sur les cheveux blonds de son élève comme pour prendre possession d’Augustin.

— Je tâcherai de mériter vos bontés, monsieur. L’enfant paraissait accablé de fatigue et d’émotion, et ses cils tombaient sur ses prunelles bleues pareilles à des violettes fanées.

— Montez dans votre chambre jusqu’au dîner : Jacquine vous donnera de la lumière…

— Oui, mon fieu, dit la servante. Venez.

Madame de Chanteprie s’était rassise, le buste droit, les coudes à peine appuyés. Sa figure fine, entre des bandeaux blonds, n’exprimait aucun autre sentiment qu’une douceur impassible, fille avait le teint jaune des recluses, plus jaune près de l’éclatante blancheur d’un col uni, un front haut et arrondi, serré aux tempes, un nez délicat, une bouche scellée par l’habitude du silence, des yeux sans lumière et sans couleur, dont le regard semblait tourné en dedans, vers le mystère intérieur de l’âme.