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s’étonnait… Quoi ! ce monsieur à mine florissante, habillé par le bon tailleur, avait l’âme d’un Saint Jérôme qui, dans les délices romaines, rêve aux sables du désert ?

Mais Barral ne put se tenir de répondre :

— Eh ! mon cher, vous nous la baillez belle ! Allez au couvent, vivez toute l’année à la campagne, comme M. de Chanteprie, ou, ce qui serait plus facile et plus simple, enfermez-vous dans votre cabinet de travail… Vous faites profession de haïr le monde ; vous vous récriez, dix fois par jour, au spectacle de notre pourriture, mais, chaque soir, vous êtes au théâtre, au bal, ou chez les belles dames qui font des mariages… Il y a beaucoup d’idéalistes comme vous, mon cher Rennemoulin, qui regardent d’un œil la Jérusalem céleste, et de l’autre… le Palais-Bourbon… Tout ça finit par des noces et des festins, ou par un mandat de député. Voyez plutôt tel et tel…

Il cita des noms qu’Augustin ne connaissait pas. Rennemoulin, bon garçon, répondait sans mauvaise humeur :

— Barral, vous me dégoûtez avec votre façon de dire les choses ! Vous n’êtes pas parlementaire…

Et d’un ton mélancolique, il reprit :

— Oui, je vais dans le monde, et je méprise le monde. J’y vais pour rallier à notre cause des volontés, des sympathies hésitantes. Mais je m’y ennuie, oh ! cruellement.

— Alors, vous avez bien du mérite !… Mais reconnaissez que votre catholicisme n’est plus seulement une religion ; c’est un parti politique…

— Il le faut bien ! s’écria Rennemoulin, aigre-doux.