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ce regard de fièvre et de vertige, qu’elle avait vu naguère en d’autres yeux.

— Pardonnez-moi, Fanny… Je n’ai pas pu m’en aller comme ça… Le cœur m’a manqué… J’ai cru vous perdre pour toujours… J’ai senti que je ne pouvais m’éloigner davantage… J’ai rôdé dans le jardin, sous la pluie, comme un fou… Et puis, j’ai vu la lumière filtrer par la fente des rideaux, j’ai pensé que vous étiez là, derrière la muraille, si près, si loin… Et je me suis trouvé à votre porte, tout à coup, sans savoir comment…

Elle le considéra en silence et, croisant son châle plus strictement sur sa poitrine, elle dit :

— Vous êtes fou, en effet… Vous êtes malade… Allez-vous-en !

— Fanny !

— Si vous ne partez pas, je partirai !

Il ne pensa pas que cette menace était vaine, puérile un peu comique même, puisque toutes les issues étaient barrées. Il s’écria :

— Par pitié ! ne partez pas, et ne me renvoyez pas. Permettez-moi seulement de rester au pavillon, dans la pièce voisine. Je ne bougerai pas, ma chérie. Vous ignorerez ma présence…

— Est-ce possible ? Dans un quart d’heure, vous frapperiez à ma porte, plus impérieux encore, plus exigeant… Partez, Augustin, par pitié pour vous, pour moi-même…

— N’êtes-vous pas ma fiancée, ma femme ? N’ai-je pas le droit de veiller sur vous ?… Fanny, ne secouez pas la tête ! ne vous détournez pas de moi… je souffre, je vous jure que je souffre…