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— Vous reviendrez ici, Fanny.

— Qui sait ?

— Vous y reviendrez bientôt, pour n’en jamais partir, bien-aimée.

Ils unirent leurs mains par-dessus la table. Leurs yeux brillaient à la lueur du flambeau qu’un faible courant d’air agitait. Et l’adorable visage de Fanny pâlissait un peu entre la chevelure noire et la robe violette.

— Je vous aime à en perdre la raison. Quand vous me regardez ainsi…

Jacquine enlevait la nappe. Elle avait entendu les dernières paroles d’Augustin ; elle avait surpris le regard voilé, le sourire crispé, le frisson du jeune homme.

— Mon fieu, dit-elle, vous savez que je m’en vas au Petit-Neauphle jusqu’à demain, voir mon cousin qui est de passage, chez ma sœur, la mère à Georgette… Puisque notre jument est malade, le charron me conduira. El il ne revient que demain, le charron… Et alors…

— Quoi ?… Que veux-tu ? Tu es libre. Fais ce que tu voudras, dit Augustin impatienté.

Un rire muet plissa les lèvres de Jacquine. Avant de sortir, elle fixa ses yeux jaunes sur le couple qui causait tout bas, doucement.

— Je m’en vas, dit-elle. Il fait froid, ce soir. J’ai préparé du feu dans la chambre.

— C’est vrai qu’il fait froid, dit Augustin. Venez vous chauffer, Fanny. La route nous paraîtra longue.

Ils entrèrent dans la chambre. Augustin alluma les brindilles de bois sec, disposées sous les grosses bûches.