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des crucifiements et des tortures. La ville est toute noire et l’on devine, dans un trou indistinct, les croix blanchâtres du cimetière.

Jacquine posa sur la table un flambeau à trois branches, entassa les assiettes dans un panier, et dit sentencieusement :

— Ciel rouge au soir annonce grand vent… C’est un temps de saison… Les hirondelles s’assemblent, les corbeaux volent par troupes sur les champs. V’là les beaux jours finis, madame.

La table desservie, Augustin se penchait à son tour, contre la vitre.

— Ce ciel, dit-il, ce paysage ne parlent que de tristesse et de mort… Assurément, l’oncle Adhémar avait mal pris ses mesures en bâtissant ici le pavillon, La vue du cimetière devait gêner Rosalba-Rosalinde. Mais ni l’oncle Adhémar ni sa danseuse ne surent entendre le conseil des morts.

— Ma foi, répondit Fanny, je pense comme Jacquine : les pauvres morts sont bien morts. Vous leur faites dire tout ce que vous voulez, vous, l’homme austère… Mais si les morts pouvaient parler, ils nous diraient assurément qu’il n’y a pas d’autre sagesse que de vivre en joie et de cueillir le jour.

— Hé ! que faisons-nous, mon amie, depuis tant de semaines, sinon de cueillir les jours ?

— La cueillette est presque achevée, Augustin. Les jours délicieux s’effeuillent. Votre mère revient de Bagnères après-demain, et je partirai dimanche pour Paris… Ah I chère maison, maison d’amour que nous devons au péché de votre oncle ! Je me sens tout à fait la nièce de cet Adhémar…