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Pourquoi s’en allait-elle, l’amoureuse, et lui l’amoureux, pourquoi revenait-il seul dans sa chambre vide ? Ils attendaient quoi ?… Le mariage ? Ils pouvaient attendre ! Tant que madame de Chanteprie vivrait, Jacquine ne mettrait pas les draps blancs au lit de noces… Ils avaient donc bien peur du bon Dieu, ces jeunes gens ? Et, dans le souhait informulé qui montait aux lèvres de Jacquine, il y avait comme un désir de revanche sur ce Dieu qui tuait madame Angélique, et réclamait peut-être la jeunesse stérile d’Augustin.

Le capitaine Courdimanche, l’abbé Le Tourneur se présentèrent plusieurs fois aux Trois-Tilleuls et trouvèrent la porte close. Fanny avait inventé plusieurs prétextes successifs pour interrompre les conférences religieuses… Le curé de Saint-Jean s’aperçut brusquement que la Parisienne, par des imprudences avérées, rendait son mariage impossible. Si madame de Chanteprie revenait guérie, Augustin n’oserait jamais, contre le veto maternel, épouser la femme que tout Hautfort lui attribuait comme maîtresse.

Alors, M. l’abbé Le Tourneur, « lâcha » Fanny. Il se mit résolument à la tête des dévotes qui criaient au scandale. Mais Augustin se déroba à toute entrevue, à toute explication…


Un soir, vers la fin d’octobre, les amants achevaient leur repas, dans le cabinet d’Augustin. Jacquine desservait. Augustin regardait Fanny, et Fanny regardait le soleil qui se couchait, au loin, dans un ciel rouge et terrible.

— Voyez, dit-elle, cela ressemble aux vieux tableaux espagnols, où le ciel écarlate semble saigner derrière