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tous les tons du vert, de la rouille et de l’ocre. Les poiriers étaient d’un rouge de cuivre, les chênes d’un rouge de sang, et les petits peupliers tout en filigrane d’or. Les champs labourés avaient des nuances de cendre rose. On voyait partout des tas de pommes, dont l’odeur emplissait les prés, les cours de ferme, les rues de village, comme l’odeur même de l’automne mûrissant. Partout le cidre coulait des pressoirs, débordait les cuves. Jours mélancoliques d’octobre, jours enivrants !… La plaine fuyait en des bleus plus légers vers des horizons plus vagues, et les teintes attendries, les lignes amollies du paysage semblaient participer de l’exquise douceur de l’air qui s’insinuait dans les choses et dans les âmes…

Augustin et Fanny ne se quittaient plus. Ils se compromettaient, elle avec un joli cynisme d’amoureuse, lui avec l’inconscience d’un enfant heureux qui ne voit rien, qui ne craint rien… Le mariage, la vie à deux devenait l’éternel entretien du couple. Augustin ne connaissait plus les obstacles possibles, les dangers réels ; son imagination se donnait carrière sur le terrain vaste et libre de l’avenir.