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lui adressèrent, dans son intérêt. Croyait-il à la bonne foi de l’étrangère ? Ne craignait-il point de se compromettre, en recevant cette personne, comme le curé de Rouvrenoir s’était compromis ?… Tous les cœurs vraiment chrétiens plaignaient le pauvre M. de Chanteprie et sa sainte mère. Ne serait-il pas bon d’ouvrir les yeux de madame Angélique par un avertissement direct ou détourné !

M. Le Tourneur détestait les « histoires » : il renvoya les dévotes à leur perruche et à leur tricot. Ce n’était pas que Fanny lui fût très sympathique ; il avait accueilli d’assez mauvaise grâce les demi-confidences d’Augustin ; mais il sentait que le jeune homme était amoureux, incurablement amoureux, « buté » dans son idée de mariage… Madame Angélique pourrait refuser son consentement ? Madame Angélique était bien malade… Quoi qu’on fît, Augustin épouserait madame Manolé, convertie ou pas convertie, tôt ou tard. Elle était intelligente, expérimentée ; elle prendrait une grande influence sur Augustin, et, qui sait ? elle le détacherait peut-être de la religion… « Eh bien ! se disait M. Le Tourneur, essayons de gagner au bon Dieu cette âme et de tirer un peu de bien d’un très grand mal. Si madame Manolé n’est pas avec nous, elle sera contre nous… Et si elle est avec nous, Augustin, aiguillonné par elle, ne refusera plus de servir activement la bonne cause… Il deviendra plus hardi, plus ambitieux… Riche, noble, aimé, estimé dans la région, il représenterait à merveille les catholiques au conseil municipal… au conseil général… au parlement même… »

Ainsi rêvait M. Le Tourneur, impatient d’opposer