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branches, des mille petites feuilles, coulait, pénétrait le taillis. Les châtaigniers lui opposaient une épaisseur opaque ; les genévriers découpaient des angles noirs, des silhouettes hérissées, hostiles… Mais l’averse lunaire ruisselait sur les feuillages légers des acacias, des bouleaux, des trembles, inondait les troncs blanchâtres d’un éclat mouillé.

Le chemin descendait, plus étroit, vers les pâturages en friche qui bordent la route de Rouvrenoir. On entendait la clochette d’un crapaud, parmi les bruyères. Vitalis marchait en avant ; Fanny le suivait, précédant Augustin. Parfois, elle se détournait pour lui sourire.

Jamais elle ne l’avait senti plus troublé, plus vibrant, ébauchant des phrases, des gestes qu’il n’achevait pas. Elle-même frémissait, envahie par une anxiété singulière, dans l’attente de quelque événement mystérieux. Était-ce la musique, l’odeur du bois, la nuit de lune qui leur bouleversaient ainsi l’âme et les sens ? Ils n’osaient parler. Ils se regardaient à peine. Et Fanny rougissait comme une vierge aux pensées qui lui venaient.

Elle s’arrêta soudain :

— Des ronces ont accroché ma jupe. Je ne peux plus avancer. Aidez-moi.

Il mit un genou en terre, tira la branche épineuse, dégagea l’étoile qui criait en se déchirant. Fanny, penchée, appuyait une main sur son épaule.

— Je vous remercie, dit-elle. C’est fait.

Il ne bougeait pas. Et tout à coup, s’inclinant plus bas encore, il saisit le pied de la jeune femme, baisa le petit soulier de cuir jaune, le bas à jour… Fanny