Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obscure, un étroit chemin de lumière, poudre d’impalpable argent.

Le dernier accord expirait en sourdine. Fanny, les doigts étendus, immobiles, prolongeait l’enchantement. La lune et l’ombre erraient sur elle. Et soudain quelqu’un remua, dans les ténèbres, près du piano. Une main furtive toucha l’épaule de la jeune femme ; une joue brûlante effleura presque sa joue, et Fanny tressaillit à ce contact.

Augustin dit tout bas :

— Je vous en prie… sortons… Cette musique m’affole… Être là, si près de vous…

Fanny se leva :

— Monsieur le curé, rêvez-vous ou dormez-vous ? Vous ne dites rien.

— J’écoutais, répondit Vitalis à l’autre bout de la salle.

— Vous m’avez priée expressément de vous congédier de bonne heure. Voulez-vous que nous fassions une promenade au clair de lune ? La nuit est si tiède, si belle, j’aurai du plaisir à marcher… Augustin ?…

Elle ne put retenir une exclamation en voyant le jeune homme apparaître dans l’irradiation lumineuse… Oh ! ce visage changé, transfiguré, et ces yeux, ces yeux d’amour !

— Passez devant, monsieur le curé, et vous aussi, monsieur de Chanteprie ! Je ferme la porte. Nous traverserons le bois obliquement pour gagner la route.

Ils s’engagèrent dans le sentier où des baliveaux, courbée en arc, criblaient la lumière. Une pluie de clarté brillante et pâle s’égouttait des mille petites