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que l’abbé Le Tourneur m’assomme, que la vie présente m’intéresse cent fois, mille fois plus qu’une problématique éternité, et qu’il faut me demander, non pas des vertus impossibles, inutiles, mais ce que je puis donner : mon amour. »

L’abbé Vitalis arriva. Tout le temps du dîner, Augustin raconta l’héroïsme et les souffrances de sa mère. Le prêtre blâma cet excès de zèle qui, prétendait-il, est une forme de l’orgueil. Et il montra que l’orgueil est l’apanage héréditaire des jansénistes.

— Ils sont, comme disait plaisamment Voltaire, pleins d’orgueil et de saint Augustin.

Le nom de Voltaire mit Augustin en fureur, et, pendant que les deux hommes discutaient, Fanny rêvait à cette redoutable madame de Chanteprie qu’il faudrait affronter, un jour. Madame de Chanteprie accueillant Fanny Manolé !… La jeune femme s’étonna tout à coup d’avoir cru à la possibilité d’une conversion, d’un mariage, et un immense découragement l’envahit. Certes, quand elle avait dit à Augustin, dans la prairie de Port-Royal : « Je ferai ce que vous voudrez ; je croirai ce que vous voudrez », elle avait obéi à une impulsion soudaine, irrésistible… « Hélas ! pensait-elle, fût-ce pour sauver ma vie, je ne saurais me convaincre que deux et deux font cinq. »

— Eh ! disait Vitalis, répondant à Augustin, je ne défends pas les jésuites ; mais je vous affirme que l’homme, muré vivant dans l’étroit cachot de la doctrine janséniste, s’y fût desséché et ratatiné… Les jésuites ont ouvert la brèche, donné un peu d’air et de jour…

Il s’amusait parfois à taquiner M. de Chanteprie ;