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cœur. » Il faut aimer pour croire, et vous n’aimez pas. Imitez le capitaine Courdimanche : il ne raisonne pas, il aime. Il ne discute pas, il pratique… Les conversions réelles et durables sont des miracles de l’amour.

— Autrefois j’aurais dit : « des phénomènes d’auto-suggestion… »

— Le bout de l’oreille pointue reparaît ! dit Vitalis.

— Ne souriez pas, monsieur le curé. Je suis très sincère. J’aime Augustin… Hélas ! je l’aime plus que Dieu, et je voudrais aimer Dieu à cause de lui.

— Oui : vous posez vos conditions au bon Dieu : « Seigneur, donnez-moi l’homme que j’aime ; je vous aimerai par surcroît… »

— Ah ! je ne devrais pas ruser avec moi-même, dit la jeune femme. Je devrais avouer à M. de Chanteprie que je piétine, que je recule… Et je n’ose pas… Non, je n’ose pas. Je crains de perdre Augustin… Je ne peux plus vivre sans lui, maintenant. Je l’aime.

L’abbé répondit :

— Et moi, je vous plains… Vous êtes dans la mauvaise voie. Si vraiment vous souhaitez vous convertir, il faudrait quitter pour quelques mois M. de Chanteprie. Vous pourriez faire une retraite dans un couvent…

— Ça, jamais…

— Pourquoi ?

— Je ne veux pas quitter Augustin.

— Eh bien, prenez garde qu’il ne vous quitte, lui, le premier… Ma pauvre amie, votre Augustin a le jansénisme dans le sang. Sa religion intransigeante