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un homme du monde. Il sait parler ; il sait conduire les âmes avec prudence et douceur. Je devine que M. de Chanteprie le trouve un peu… facile, mais un directeur trop sévère vous eût rebutée dès la première conversation.

— Vous êtes l’ami d’Augustin, monsieur le curé, et j’ose le dire, vous êtes notre ami… J’avais toute confiance en vous. Pourquoi m’abandonner ainsi, dans cette crise de conscience, si grave, qui va décider mon avenir ?

— J’ai fait ce que je devais faire, dit Martial Vitalis en fixant ses yeux sur le carreau ; soyez certaine que je n’ai pas manque à l’amitié. Mais je ne pouvais assurer une tâche au-dessus de mes forces… Je connais mon ignorance, ma maladresse… Non, je ne devais pas, je ne voulais pas me charger de vous.

— Vous me croyez donc bien difficile à convertir ?

— Vous êtes une orgueilleuse et une raisonneuse.

— C’est précisément ce que dit M. Le Tourneur.

— Contez-moi ça… Il ne me paraissait pas bien sévère, M. le curé de Hautfort ?

Fanny se récria. Sévère, non, M. Le Tourneur n’était pas sévère. Il était secrètement, mais infiniment dédaigneux. Sa politesse suave cachait le mépris d’un saint Paul pour le sexe inconstant et débile qui doit se taire et obéir. Les dames de sa paroisse lui apparaissaient comme les élèves d’un perpétuel « catéchisme de persévérance », des âmes qui avaient douze ans toujours ; de grandes petites filles et même de vieilles petites filles, à qui, lui et ses vicaires, distribuaient le « cachet d’argent » et le « cachet d’or ». Il les voulait