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tière, la masse grisâtre du clocher, le toit de tuile brune et moussue rapiécé de tuile rose. Un escalier de pierre monte sur le côté de la tranchée, par où passent les noces et les convois. Et les gens qui flânent, sur le chemin, peuvent voir, en levant la tête, le voile des mariées flotter au soleil, là-haut, ou le drap noir des bières osciller au pas des porteurs.

À trente mètres de l’église, le presbytère occupe l’angle d’une petite place. C’est une maison assez confortable, bâtie entre cour et jardin. L’abbé Vitalis l’habitait depuis douze ans, avec sa mère, vieille paysanne aux traits durs, à l’œil méfiant, toujours mâchonnant des patenôtres. Elle recevait mal les gens qui venaient en visiteurs, et dérangeaient « son garçon l’abbé ». Mais, surtout, elle était féroce pour les femmes.

Un soir d’août, madame Manolé sonna à la grille du presbytère. La vieille, qui étendait du linge dans la cour, ne broncha pas. Elle avait reconnu la Parisienne, qu’elle détestait sans savoir pourquoi.

Fanny carillonna si fort que l’abbé Vitalis lui-même ouvrit une fenêtre au premier étage.

— Maman ! cria-t-il, faites entrer madame Manolé : je descends !

La mère Vitalis obéit de mauvaise grâce, et Fanny la suivit dans la petite salle à manger du presbytère. Le papier de tenture à rosaces jaunes, décollé par l’humidité, des lithographies banales, un tapis taché d’encre sur la table, un râtelier de pipes sous une planche de sapin brut où s’alignaient quelques livres, tout révélait la misère et l’incurie. Fanny, demeurée seule, entrevit l’ombre de la paysanne qui rôdait